Par Pierre Legrand
Du 18 février au 5 mars 2022
Lundi à samedi 10h-12h & 15h-17h
Vernissage vendredi 18 février 2022 à 16h
Depuis quarante ans, je fais presque la même peinture, en essayant de capter la vibration d’une expérience charnière qui s’est produite il y a quarante ans, et qui a fixé la direction de mon travail et de mes explorations. Cette expérience s’affirme encore et encore, apportant à chaque fois de nouveaux seuils – les mêmes, mais avec des variations infinitésimales afin de s’approcher de plus en plus près avec l’espoir de retrouver la lumière, l’espace et l’exaltation de l’expérience originale.
Presque dès le début, j’ai ressenti le besoin d’écarter la toile habituelle pour du tissus ordinaire ou de la moustiquaire. En conséquence, très souvent, je trouvais le verso du tableau plus « intéressant » que le recto.
Une fois, j’ai confié mes tableaux à une galerie française, en lui laissant le soin de les installer, mais lorsque je suis arrivé au vernissage, j’ai découvert que toutes les œuvres étaient montrées de dos…
Le problème s’est répété pendant toutes ces années jusqu’à ce qu’il y à quelques jours, Anu me dise : « Pourquoi ne montres-tu pas les deux côtés ? Bien sûr, j’ai immédiatement écarté l’idée, mais elle est restée, car je regardais de plus en plus les deux côtés…
Les voici donc : la dernière série, sans honte de montrer leur dos.
Ce ne sont plus des surfaces peintes, elles ont un dos et un devant. Elles montrent quelque chose et son contraire, contenant la totalité. Imaginez, dans chaque conflit, être capable de voir simultanément les deux côtés de la situation. Cette nouvelle série a-t-elle un contenu politique ?
En préparant cette exposition, deux textes ont fait écho dans l’espace-temps de ma recherche.
L’un de Sri Aurobindo dans le Secret des Védas :
» L’activité de la pure intelligence illuminée est soutenue et augmentée par l’expression consciente en nous du plaisir de l’existence divine et de l’activité divine typifiée par le vin Soma. Au fur et à mesure que l’intelligence s’en nourrit, son action devient une extase enivrée d’inspiration par laquelle les rayons viennent se déverser abondamment et joyeusement. L’ivresse de toi dans ton ravissement est en effet source de lumière ».
Et l’autre de Derek Walcott :
« Je n’ai jamais séparé l’écriture de la poésie de la prière, j’ai grandi en croyant que c’est une vocation, une vocation religieuse… le corps sent qu’il se fond dans ce qu’il a vu… le « je » n’étant pas important… en fin de compte, c’est ce que Yeats dit « une telle douceur coule dans la poitrine et nous rions de tout et tout ce que nous regardons est béni » ».
Ma peinture atterrira-t-elle un jour sur ce rivage ?
Pierre Legrand
24 janvier 2022